Peindre ou dessiner en fait, indique tout bonnement un rapport au temps.
On ne peut pas dire seulement que ça décrit cette relation. C’est le choix d’un temps qui en amont, habite plus ou moins sciemment l’oeuvre autant que l’artiste.
Mon plaisir personnel s’opère dans la durée.
Que je dessine , c’est à dire que je tende à m’exprimer d’un trait, alors je vais m’y mettre avec l’ouverture d’un temps infini pour aller vers le dessin juste, en traversant toute une suite dont j’admets par avance, la succession nécessaires des passages, parfois peu gratifiants.
Pour la photo qui joue de l’immédiateté, je m’y prends de la même manière. Je suis de ces personnes « qui mitraillent » et qui tiennent à donner à voir le déroulement des images accompagnant un mouvement.
Autant dire que face à une toile, il ne saurait être question de se satisfaire du premier jet.
Le rapport au temps alors revient à s’offrir une savoureuse relation avec la peinture elle-même. L’idée est de lui donner « de la matière » ceci, dans tous les sens du terme.
Il s’agit d’offrir à cet acte de peindre, de quoi converser, de quoi échanger, de quoi se demander ce qu’il veut bien me dire d’une vérité qui s’anime en moi, à cet instant. Et « ça peint » en soi , c’est à dire que le plaisir est de se déposséder d’une volonté de maîtrise. Le « lâcher- prise » est maître de jeu et ce n’est pas peu dire. Du coup, je me vois au début de chaque toile, en train de donner et de donner encore, une foule d’éléments dont il va falloir que je me débrouille longtemps, sans savoir comment ni vers où j’accèderai à la réalisation du tableau.
Ma seule certitude vivifiante, tient dans le but que je me promets d’atteindre : ça fera un tableau qui se tient en temps et heure. Tout le plaisir est contenu dans cette traversée, sur cette voie ouverte vers nulle part, au fil du temps a priori infini.
On ne part pas vers un chemin de connaissance, mais plus exactement, on arpente une voie de reconnaissance.
Ma conviction est que tout est là dans la nature et habite en nous, dès notre naissance.
Or, le fait est, que parachuté au monde à l’état de prématuré, il s’avère obligatoire de passer par un
« formatage » culturel et familial.
Toute notre vie ensuite consiste à quitter les dictats et carcans (dé)formateurs puisque c’est par-delà l’horizon indiqué, que seulement, selon nos pas choisis, il est possible de trouver, voire de retrouver cette connaissance initiale, provenue de l’origine.
Car « nous sommes au monde ! » ... Ne pas confondre « création » et invention ».
Ça tombe pile ! Le parcours se mesure, s’ouvre à l’infini vers nulle part.
Ainsi une démarche n’a de réponse qu’un « parce que », si on demande « pourquoi ? ».
Parce que c'est ça.